La réforme du droit des contrats intervient avec l’ordonnance du 10 février 2016

Le projet de loi de ratification de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations a été présenté en Conseil des ministres le 6 juillet 2016

S’inscrivant dans une logique de modernisation, cette réforme participe à un triple objectif, qui est celui de :

  • la clarification et de consolidation: l’acquis jurisprudentiel, les sources codifiées, et certaines propositions de la doctrine ont été rassemblés dans le Code Civil ;
  • une meilleure efficacité de notre droit des contrats ;
  • une justice contractuelle plus accrue.

Le droit des contrats devient plus accessible, avec un ensemble écrit, plus clair et plus moderne. Ainsi, une nouvelle définition du contrat est proposée, abandonnant l’ancienne définition devenue trop désuète pour notre droit des contrats moderne. On parle désormais d’un « accord de volonté entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer des effets de droit » à l’article 1101 nouveau du Code Civil. Dans la même logique, la notion du bon père de famille a été remplacée par la notion d’une « personne raisonnable ».

Rappelons toutefois que malgré un renouveau du droit des contrats, la volonté des parties reste la règle et la liberté contractuelle est promue au premier rang. En outre, il est expliqué dans le rapport du président de la République relatif à l’ordonnance, que le principe général appliqué au droit des contrats est le principe du supplétif, à moins qu’une mention expresse ne souligne le caractère impératif de la règle. Ainsi, il sera désormais précisé quand une règle sera d’ordre public et portera donc un caractère impératif impossible à contourner par des stipulations contractuelles, une précision qui permettra d’éviter au maximum l’insécurité juridique.

Le nouveau droit des contrats prévoit ainsi une meilleure prévisibilité des transactions.

Toutefois, seul un quart des textes qui entrent dans le Code Civil seront tout à fait nouveaux, le reste étant très largement inspiré de de la doctrine et de la pratique jurisprudentielle.

En principe, les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1 octobre 2016 pour les contrats nouvellement conclus, tacitement reconduits ou renouvelés à compter de cette date.

Néanmoins, seront applicables de manière immédiate à tous les contrats les trois domaines de l’action interrogatoire instaurés par l’ordonnance, qui sont le pacte de préférence (article 1123 nouveau), la représentation (article 1158) et la confirmation (article 1183).

 

Plusieurs nouveautés sont présentées dans l’ordonnance du 10 février 2016 :

  • L’obligation générale d’information (1112-1 nouveau) : il s’agit d’une obligation précontractuelle générale, pour celui qui détient une information pertinente et qui a le devoir de la dévoiler. L’information doit avoir un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou avec la qualité des parties.

De manière corrélative, le principe de la bonne foi a été renforcé dans les textes : les contrats doivent désormais être négociés, formés et exécutés de bonne foi (article 1103 nouveau).

En outre, pour tout ce qui concerne les clauses abusives, l’article 1171 de l’ordonnance précise désormais que toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. Néanmoins, seuls les contrats d’adhésion sont visés par cette mesure.

  • La consécration de la théorie de l’imprévision. Lorsque le contrat devient trop onéreux à exécuter du fait de circonstances économiques imprévisibles pour une partie qui n’avait pas acceptée d’en assumer le risque, il sera désormais possible de le renégocier. De plus, on reconnait la possibilité au juge d’intervenir dans le contrat, lorsque la négociation entre les parties n’a pas abouti dans un délai raisonnable. Cela remet en cause le principe de l’intangibilité des conventions, consacré par la jurisprudence Canal de Craponne (Civ., 6 mars 1876).
  • La disparition de la « cause »: plus que trois conditions de validité du contrat apparaissent dans le nouveau Code Civil : la capacité, le consentement, le contenu licite. L’exigence d’une « cause licite dans l’obligation » n’apparait plus. Néanmoins, ayant totalement éradiqué le terme de cause du Code Civil, l’ordonnance du 10 février 2016 semble avoir tout de même gardé certains de ses effets et de ses fonctions.

La cause semble apparaitre à travers plusieurs dispositions de l’Ordonnance, notamment :

  • L’article 1162 qui précise que « le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties » (ce qui rappelle la cause subjective)
  • L’article 1168 disposant que « dans les contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une cause de nullité du contrat, à moins que la loi n’en dispose autrement» (Cette éventualité d’absence de contre-prestation peut rappeler la cause objective)
  • Enfin, l’article 1170 « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du

débiteur est réputée non écrite » (cet article confirme l’arrêt Chronopost- Cass. Com., 22 octobre 1996, consacrant la cause subjective).

 

En complément de ces de quelques mesures tout à fait novatrices, une série de principes très largement inspirés de la pratique jurisprudentielle, de la doctrine ainsi que des droits spéciaux, viendront réformer le Code Civil :

  • Les négociations précontractuelles et les avant-contrats:

– Les négociations sont consacrées par l’ordonnance, dans l’article 1112 nouveau ;

– Les précontrats comme la promesse et le pacte de préférence, seront également encadrés par les articles 1123 et 1224 du Code.

En ce qui concerne le pacte de préférence, il est désormais indiqué qu’il est possible de se substituer au tiers de mauvaise foi, ou de demander la nullité de l’exécution. Le tiers peut, quant à lui, demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai fixe et raisonnable, l’existence d’un pacte de préférence, et s’il entend s’en prévaloir.

Promesse unilatérale de contracter : le nouvel article 1124 al.2 prévoit que « La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis. » (art. 1124, al. 2). Cette disposition abandonne la jurisprudence Consorts Cruz du 15 décembre 1993, qui refusait d’accorder l’exécution en nature du contrat, au bénéficiaire d’une promesse unilatérale (1124 du NCCIV). Désormais, le bénéficiaire de la promesse dispose de la possibilité de forcer le contrat promis, ce qui redonne de l’efficacité à la promesse unilatérale dd contrat. De plus, le bénéficiaire peut demander la nullité du contrat conclu avec le tiers qui connaissait l’existence de la promesse.

  • L’exception d’inexécution permet désormais au créancier de refuser l’exécution de son obligation, pour inexécution grave de l’obligation du cocontractant. Cette disposition est inspirée du droit commercial et devrait rentrer dans le code Civil sous les articles 1219 et 1220.
  • L’engagement unilatéral de volonté entrera à l’article 1100 et 1100-1 nouveau du Code Civil. L’article dispose que « les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinés à produire des effets de droit. Ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux ». Néanmoins, l’ambiguïté de l’article créé des doutes parmi les commentaires de la doctrine, concernant la disposition suivante : « Ils obéissent, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats ». Ainsi, aucun régime propre n’est donné à l’engagement unilatéral de volonté, se référant de manière instable au régime des contrats.
  • Dans la catégorie des « autres sources d’obligations», l’enrichissement sans cause fait son entrée (sous le terme d’enrichissement injustifié), ce qui donne à ce quasi-contrat une source légale.
  • En ce qui concerne la rencontre entre l’offre et la demande, la théorie de la réception est désormais confirmée. En outre, il est établi qu’en principe, le silence ne vaut pas acceptation.
  • Au niveau des vices des consentements qui pourraient altérer le contrat, beaucoup de solutions jurisprudentielles ont été consacrées. Ainsi, la violence économique et la réticence dolosive font leur entrée dans le Code Civil, permettant de consacrer la jurisprudence Larousse Bordas (Civ. 1ère, 3 avril 2002).

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