L’Agence française de l’adoption (AFA) a été créée il y a une dizaine d’années par la Loi du 4 juillet 2005 et a déjà contribué à l’adoption d’enfants dans des milliers de dossiers. Sa mission est d’informer les parents désirant adopter et de les accompagner dans leurs démarches à l’étranger. Elle joue principalement un rôle d’intermédiaire entre les familles et les pays d’origine des enfants.
Le Groupement d’intérêt public « Enfance en danger » (GIPED), mis en place quant à lui par la Loi du 2 janvier 2004, regroupe sous son égide le service national d’accueil téléphonique 119 et l’Observatoire national de la protection de l’enfance. Les principales missions de cet organisme consistent à protéger les enfants mineurs, à mieux cerner les cas où ils sont en danger et à améliorer et diffuser les pratiques de prévention de telles situations.
Le Gouvernement a fait part de sa volonté de fusionner ces deux organismes afin d’améliorer le service offert aux parents désireux d’adopter à l’étranger. Le bilan de l’AFA est en effet relativement mitigé. La volonté de fusionner ces deux groupements intervient dans un contexte de baisse croissante des adoptions internationales. Alors qu’on en comptait près de quatre mille en 2009, seulement quelques centaines d’adoptions internationales ont eu lieu en 2015.
La majorité de ces adoptions n’ont de plus pas été suivies par l’AFA. Elle s’occupe en effet de plus de 5000 dossiers d’adoption dont seulement environ 200 aboutissent chaque année. Le but de cette fusion serait donc de donner un nouveau souffle à l’AFA pour « mieux répondre aux besoins des enfants, mieux accompagner les postulants, mieux les informer » (cf. lettre ouverte au Président de la République du 7 septembre 2016 de l’EFA, de la MASF et de l’APAER).
Les objectifs en tant que tels de cette réforme ne posent aucunement problème aux associations actives dans ce domaine ; ce qu’elles critiquent, c’est le caractère hâtif de cette réforme qui ne prend pas en compte les conséquences lourdes qu’elle pourrait engendrer sur les procédures en cours.
L’AFA exerce en effet son activité sur la base des accréditations qu’elle a reçues de la part des pays d’origine des enfants, dont le Mexique, la République dominicaine, la Russie, … mais ces accréditations ont été délivrées à l’AFA et cesseront donc d’être valides dès lors que la fusion entraînera la naissance d’une nouvelle entité juridique. Ce sont donc des milliers de parents qui se retrouvent actuellement avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Des milliers de dossiers d’adoption, qu’importe le stade d’avancement de ceux-ci, sont en péril.
Les procédures d’adoption sont en effet très longues et durent plusieurs années. La fusion de l’AFA avec le GIPED risque de tirer un trait sur toutes les procédures en cours, ce qui impliquerait pour certains parents de recommencer toutes les démarches qu’ils avaient presque achevées, pour d’autres de se soumettre de nouveau à la procédure d’obtention de l’agrément, qui est un document temporaire. Le découragement de certains parents serait compréhensible quand on sait qu’ils doivent parfois consentir à de gros sacrifices, financiers et humains, pour pouvoir adopter (l’adoption d’un enfant en République dominicaine est par exemple soumise à une condition de résidence des parents adoptants d’au moins 6 mois dans le pays).
Mais au-delà des conséquences pécuniaires, de la perte de temps et d’énergie, les inquiétudes des associations mettent au premier plan les conséquences humaines. Certains parents ont déjà entamé ou arrivent au bout du stade de la prise de contact avec l’enfant et un lien affectif s’est déjà établi. La fusion de l’AFA pourrait anéantir ce lien et l’espoir de jeunes enfants d’accéder à une vie familiale stable et heureuse serait tout simplement brisé.
Ce problème a d’ailleurs fait l’objet d’une question de la part du sénateur Rachel Mazuir le 6 octobre 2016 qui interpelle madame la Ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes précisément sur le problème de l’annulation automatique des accréditations obtenues par l’AFA. Cette question n’a pour l’heure toujours pas reçu de réponse de la pat du Gouvernement.
L’attribution d’une accréditation est en effet une décision souveraine des pays d’origine des enfants et est souvent le fruit de longues négociations et de concessions du côté de chaque État intéressé. Il conviendrait par exemple de se poser sérieusement la question concernant l’accréditation pour la Russie obtenue par l’AFA en 2007, qui se place à la quatrième place des pays où les français adoptent le plus. Au vu du contexte actuel géopolitique tendu, il n’est effectivement pas à exclure que le gouvernement russe refuse de renouveler l’accréditation ou même d’engager de nouvelles négociations en ce sens.
Les associations ne sont ainsi pas fondamentalement opposées à ce projet de fusion mais exigent de réelles garanties quant au maintien des accréditations existantes avant que le projet ne soit lancé. « Un GIP spécialisé dans la protection de l’enfance ne peut pas poser comme acte fondateur une souffrance accrue pour les enfants qui attendent leurs parents » (cf. lettre ouverte au Président de la République du 7 septembre 2016 de l’EFA, de la MASF et de l’APAER).
Enfin, l’incertitude sur le plan juridique domine la question de la fusion de ces deux entités puisqu’à l’heure actuelle, il n’existe aucun texte législatif qui permettrait de réaliser ce projet. “De toute façon, pour être très claire, nous n’avons pas de véhicule législatif qui nous permettrait, dans un temps rapproché, de procéder à la fusion entre les deux organismes. Pour autant, ce ne serait pas un service à rendre à l’adoption internationale que de laisser les choses en l’état et de ne pas procéder à ce regroupement. Demain ou après-demain, il faudra le faire !” (cf. intervention de Laurence Rossignol, Ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes en octobre 2016).
Marine Faucheux